Amateurs de sensations intenses et originales, bienvenue en cette lecture, qui si vous ne connaissez pas encore WORMFOOD , vous devriez sous peu être sympathisé par cette formation. En effet, loin d'offrir un métal juste posé à l'efficacité, ces déracinés copulent les idées, concepts, envies, folies et lubies dans un melting pot étrange et intense, fusionnel et original. Ce qu'il en dégagera leur aura valu d'être déjà maintes fois salué , y compris en ces rangs ! Et bien que cet entretien arrive avec un léger retard, l'on se laissera dire que la formation assume comme elle peut dans la masse les bons échos qui lui font face !
INTERVIEW REALISEE ENTRE MARS et JUIN 2005

 

 

 

Bouffeurs de vers , salut à vous ! Histoire de mieux comprendre ce phénomène naissant qu'est votre "métal très ouvert", pourriez vous nous raconter l'histoire de Wormfood ? Nous dire pourquoi avoir conçu ce groupe et vers quelles idées vous alliez en son commencement ?

El Worm (chant/guitare) : Salut à toi, patient webmestre qui a attendu les réponses de cette interview pendant plus de deux mois ! Wormfood a été fondé à Rouen le 31 janvier 2000 par Romain (basse) et moi-même. Nous n’avions plus de groupe à l’époque, et, l’alcool aidant, nous avons décidé –sur un coup de tête- de faire quelque chose de sombre, malsain et lourd, dans la lignée de nos influences principales : Type O Negative, Carnivore, Samael, Laibach, Notre-Dame, Carnival in Coal, etc. Nous avons donc sorti une première démo en mai 2001 (avec une boîte à rythme), puis avons été rejoints par notre furieux batteur, Alexis. Cette collaboration fructueuse a permis à notre style de mieux se définir, et nous avons sorti un album autoproduit éponyme en 2003, par le biais duquel nous avons commencé à faire parler de nous… Puis nous avons engagé notre clavier, Tim, dont la formation classique a ouvert de nouvelles perspectives en termes d’arrangements. C’est sous ce line-up que nous avons composé et enregistré nos « Jeux d’Enfants », avec la volonté de tirer parti des critiques qui avaient pu être formulées au sujet du précédent disque, et donc d’aller beaucoup plus loin dans la folie, la provocation, mais aussi le professionalisme… Bien sûr, cet album est marqué par notre collaboration amicale avec Axel Wursthorn (Carnival in Coal), qui s’est donné sans compter pour faire le mixage et le mastering de nos titres au Walnut Groove studio. Ajoutons à cela l’arrivée de la foulée de notre cinquième membre, Fred (Ataraxie, Funeralium), comme deuxième guitariste, ce qui nous a permis de faire enfin des concerts. J’arrête là avec la biographie, car je sens que je vais déflorer des sujets que tu as l’intention d’aborder dans tes questions suivantes !

Haha… sans doute oui ! Tiens, "Gothrash" est je crois, (peut-être dans le délire) la définition qui selon vous collerait le mieux à l'état d'esprit musical du groupe. Comment cela se traduit ?

E.W. : Nous empruntons au Gothique la noirceur, la mélancolie, le pessimisme, les aspects mélodiques, et au Thrash la violence, la lourdeur, et des thèmes crasseux et urbains. L’association des deux est paradoxale, à l’image de notre musique un peu « contre-nature » dans les mélanges de genres. C’est encore le terme le plus approprié que j’ai trouvé pour définir ce que l’on fait…

Une démo, un premier album et aujourd'hui "Jeux d'enfants". Sans doute avec de plus en plus d'assurance, comment juges tu sur ces trois années votre évolution ? WORMFOOD a t'il atteint son identité ou penses tu qu'il y ai encore des idées à exploiter ?

E.W. : Ces dernières années, nous avons beaucoup travaillé, et nous nous sommes souvent remis en question, ce qui est une saine attitude de dépassement de soi. Notre line-up s’est développé de la façon la plus naturelle qui soit, et je crois que nous sommes avant tout cinq bons amis qui s’amusent le plus souvent, s’engueulent parfois, et se complètent toujours. A l’heure actuelle, nous avons peut-être plus de relations dans le milieu metal français, plus d’assurance sur scène, plus d’auditeurs. Nous savons sans doute un peu mieux, également, ce qui est propre à notre style. Mais je n’ai pas le sentiment que nous avons atteint un point de non retour, loin de là… Il y a tant de choses que nous voulons expérimenter encore ! C’est même une vraie torture que de continuer à bosser sur Jeux d’Enfants (nous remixons et enregistrons de nouveaux titres pour la release d’automne chez Code666) alors que nous crevons d’envie de mettre en œuvre de nouvelles idées dans un quatrième album tout neuf ! Je me sens réellement au début de quelque chose.

Bien. Cool ! En attendant, c'est donc ce nouvel album qu'est "Jeux d'enfants" qui nous réunit ici ! Il aura fallu juste une bonne année pour le réaliser apparemment ! Plutôt une bonne durée quand on juge du résultat ! Les idées foisonnent chez vous ! Lorsque l'on juge de la complexité de vos structures, comment parvenez vous à construire un titre ? Ou puisez vous ces idées ?

E.W. : Je n’ai pas le sentiment que ça nous demande un effort intellectuel particulier de composer ce type de structures : elles découlent naturellement de nos différentes personnalités musicales. En règle générale, l’impulsion de base vient des riffs de guitare, et le reste se développe dessus, sans que rien ne soit jamais figé. On triture à l’extrême, et parfois les meilleures idées arrivent par hasard… Jusqu’au dernier moment, je n’avais aucune idée de ce à quoi allait ressembler ce disque !

Ok ! Black, thrash, goth, doom, musette, folk.... Votre musique est aussi instable que variée et presque impossible à définir au mot le mot ! Aux lecteurs qui passeraient par ici, quel enchaînement de mots utiliserais tu pour leur présenter dans son originalité "Jeux d'enfants" ?

E.W. : malsain, sombre, lourd, violent, hystérique, provocant, ambigu, grinçant, cynique, cinématographique, narratif, décalé, actuel, expérimental… et -du moins j’espère que c’est comme ça que les auditeurs le perçoivent- réfléchi.

"Jeux d'enfants" est aussi notamment mis en scène par une approche très.. théâtralisé dans son idée avec notamment de nombreuses intros et interludes et autres bruitages et ambiances ! Il ne semble pourtant pas disposer d'un concept fixe, tu pourrais me détailler un peu cela ? ...

E.W. : L’objectif était d’impliquer et de faire voyager l’auditeur de surprises en surprises, en le rendant spectateur de véritables histoires, en suscitant chez lui des émotions fortes. Je trouve par exemple qu’un texte dénonçant la pédophilie prend toute son ampleur si on laisse la parole au père incestueux de temps à autres… En règle générale, j’ai toujours aimé ressentir un sentiment d’immersion dans les disques que j’écoute. Par ailleurs, ma formation initiale est littéraire et théâtrale, et il m’arrive de jouer de temps à autres dans des projets cinématographiques. Je tente donc de mettre ce goût du jeu, de la mise en scène et de la narration en application dans Wormfood.

La plus grosse influence qui pourrait de temps et temps se montrer serait pour moi TYPE O N. que tu revendiquais là haut, mais je sais que vous êtes bien plus ouverts que ça ! Aussi, mis à part la musique, y a t'il d'autres choses pour attiser vos idées ?

E.W. : C’est vrai que Type O Negative reste ma plus grande émotion musicale depuis une dizaine d’années… Et c’est parce que je respecte profondément ce groupe que je ne veux surtout pas les plagier ! Musicalement, je crois que cette influence n’est pas trop sensible, c’est plutôt une certaine forme d’humour noir et d’auto-dérision qui en ressort. Les thématiques abordées par Wormfood, en dehors de l’observation de la vie urbaine et des faits divers, suivent un peu mes centres d’intérêt du moment… Je me prends de passion pour un thème donné (par exemple l’Egyptologie), et ça peut donner lieu à un texte (en l’occurrence Dark Mummy Cat). Il n’y a pas de règle générale ou de limite sur ce plan.

… Je trouve que la langue Française colle au mieux à "Jeux d'enfants", celle ci dans sa forme poétique créant un paradoxe mélodico/brutal selon les moments (si tu me suis). Entre Anglais et Français, vos textes se veulent plutôt bien travaillés et important à l'identité de WORMFOOD... Pourrait on s'attarder un cours instant sur chaque titre ?

E.W. : J’ai une foi totale dans l’utilisation de la langue française et la revendication de notre identité francophone, d’autant plus que le disque sortira dans le monde entier. C’est d’ailleurs un des éléments qui a motivé la signature du groupe par Code666. Et j’ai été agréablement surpris récemment lorsque un américain m’a écrit pour me dire que l’exotisme de notre langue joue pour beaucoup dans le plaisir qu’il prend à écouter notre disque. A l’avenir, le français sera donc encore plus présent dans nos morceaux ; peut-être même abandonnerons-nous totalement l’anglais.

- Tramway : c’est de l’improvisation totale, fait en une seule prise… J’ai emprunté dans ce monologue beaucoup d’éléments entendus dans les rues. Je trouve qu’il y a une « poésie » toute particulière dans les propos tenus par les clochards.

- Bum Fight : ce titre a été inspiré par une de ces abominations inhumaines dont seul le monde moderne à le secret, des jeunes américains qui vont filmer des SDF en train de se battre ou de se mutiler. Il y avait là matière à faire un texte tout à fait violent et critique.

- Dark mummy cat : un morceau inspiré par la supposée malédiction de Toutankhamon, transposée en la vengeance d’une momie de chat maléfique. C’est de très loin le texte le plus « léger » de l’album ; c’est du 100% déconne. J’assume, j’ai pris un plaisir immense à jouer l’explorateur de pyramide érudit sur le pont central.

- Ecce homo : après l’Egypte, les péplums… il y a une continuité logique là-dedans.

- TEGBM : provocation. Tout y passe ! Officiellement, ce morceau raconte des orgies sataniques à Versailles. Mais peut-être faut-il lire entre les lignes…

- Comptine : une chanson pour enfants à la Henri Dès qui prépare le morceau suivant… C’est la chanson de l’homme-tronc. Attention, les paroles sont si stupides qu’elles peuvent rester en tête un certain temps.

- Vieux pédophile : un morceau qui dénonce la pédophilie, mais est-ce la peine de le préciser ? Le morceau le plus odieux et provocant du disque, à mon sens.

- Love at last : une balade gothique qui sombre progressivement dans le graveleux. C’est l’histoire d’un pseudo poète maudit qui lève des nanas en jouant les grands pécheurs repentants. Le fantôme de Gainsbourg plane sur ce morceau…

Woh ! Ok. tu me disais qu'en sortant cet album , vous alliez vers quelque chose de culotté, sans réellement connaître les retombées que celui ci aurait. Apparemment tous les retours sont en votre faveur ! Quel est votre état d'esprit actuel ?

E.W. : J’ai l’impression que les gens nous aiment bien… Pourtant on n’a vraiment rien fait pour ! La signature du groupe nous laisse entrevoir de bonnes choses pour l’avenir. On en reparlera quand l’album sera sorti pour de bon !

Ok ! Rendez vous pris … Ca va sinon , pas trop perturbé par les groupies ?

E.W. : J’ai finalement un rôle assez ingrat dans le groupe, à ce niveau-là. Avec toutes les obscénités que je profère en concert avec un air dément (quand je ne me tripote pas la bite par dessus le marché), les éventuelles groupies respectent un périmètre de sécurité autour de moi lorsque je sors de scène… Non, sérieusement, notre public est très fidèle et ouvert d’esprit, je prends beaucoup de plaisir à discuter avec les gens que je croise lors de nos concerts.

L'autoproduction était jusqu'alors votre unique défaut, je me doute que demain cet état ne sera plus ! ;) Aussi, comment ont répondu les labels à votre appel ? Comment ont ils réagi ? Dans l'élan, vous vendriez par le morceau héhé ?

E.W. : C’est en lisant cette question que je me dis que décidemment, je te rends cette interview un peu en retard ! (ndlr : Hum… Carrément est un mot plus convenable ! ) Nous avons donc eu plusieurs propositions, et nous avons fait le choix de signer avec un label étranger spécialisé dans les groupes avant-gardistes, le label italien Code666 (Aborym, Konkhra, Manes, Void of Silence, etc.). Pour un premier contrat, je trouve qu’on a beaucoup de chance, surtout en ce qui concerne la promotion et la distribution (le label bosse avec Season of Mist, SPV, Century Media, etc.). « Jeux d’enfants » va donc sortir pour de bon, sous un nouveau titre, mondialement, à l’automne 2005. L’album sera remixé, certaines choses réenregistrées, et il y aura trois morceaux supplémentaires (quatre sur la version japonaise). Ajoutons à cela un bel artwork tout neuf (en digipack) signé Sect Metastazis (Anorexia Nervosa, Carnival in Coal, Anathema...), ce dernier s’occupant dorénavant de notre image… Le disque va donc connaître une seconde jeunesse.

La question en retard passée ! ;) … Dans un autre horizon, je trouve que peu de concerts vous ont été offert à ce jour. Etait ce délibéré ou un fait ? Depuis, les choses changent elles ?

E.W. : Depuis la création du groupe, nous avons fait peu de concerts, en effet, surtout parce que le line-up définitif n’était pas encore constitué, ne permettant pas de rendre bien les compos en live. Ce problème est désormais réglé. Mais ceux que nous avons donnés ont en revanche fait salle comble, avec d’autres groupes adorables (C-Rom, Luen-Ta, The Outburst, Horresco Referens, Keen, Yuck, Warkult…) souvent une ambiance de folie… On commencera à tourner pour de bon à la sortie du disque. Nous sommes en train d’essayer de nous trouver un tour manager en ce moment-même. C’est en bonne voie. Patience.

D'ailleurs, le public est statique de surprise face à votre zik ? Parvient il à headbanger ou autre ?

E.W. : Comme je te l’ai dit, l’ambiance en concert est tout à fait excellente. On a atteint le point d’orgue lors de notre dernier concert, où les pogos étaient assez violents ! On fait en sorte que chaque concert de Wormfood apporte son lot de surprises, et ça ne laisse pas les gens indifférents. La dernière fois, ça a été une reprise de NTM (très bien accueillie !), le concert d’avant, j’étais habillé en pape et nous avons joué la carte du mysticisme…

Héhé ok ! Pour revenir vers "Jeux d'enfants", où s'est passé l'étape de l'enregistrement ? Celle ci a du être un tape cul, non ?

E.W. : Nous enregistrons dans le studio de notre batteur, qui offre tout le confort moderne. Cela nous permet de travailler de façon assez sereine, et à moindre coût, ce qui est idéal lorsque on s’autoproduit. Nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir travailler dans ces conditions. A l’avenir, maintenant que nous sommes signés, peut-être tenterons-nous d’enregistrer en studio ; mais il est un peu tôt pour savoir de quoi demain sera fait…

Ok ! Je serais presque tenté de dire que d'être aller vers le Walnut Groove Studio pour le mixage aurait pu sonner comme une démarche naturelle ! Quelle a été la réaction d'Axel face à votre travail ? Comment se sont passées ces étapes ? Et pourquoi ce studio ?

E.W. : Axel est un ami, un conseiller d’exception, et je suis fan de Carnival in Coal depuis toujours. Il a fait beaucoup pour nous et le disque n’aurait pas aussi bien marché sans son travail ; il a bossé dessus un bon mois pour nous donner le meilleur son possible. Nous avons passé de très bons moments en sa compagnie ! Ce n’était pas à proprement parler une ambiance de travail austère et recueillie, mais au final, cette complicité dans le délire a bien porté ses fruits. Ah, et bien sûr, nous avons choisi ce studio, car il n’y a rien de plus beau qu’Amiens… C’est une ville charmante, fleurie, animée, tiens, j’aimerais presque y passer mes vacances, pour un peu.

Cela te sera économique ! Côté visuel, sa pochette est assez hors norme au métal, un mot sur celle ci , ce qu'elle représente et l'artiste qui l'a réalisée ?

E.W. : On a cherché à faire une pochette décalée, détournant l’imagerie de Walt Disney à la sauce « Vieux pédophile ». C’est Tim, notre clavier, qui est à l’origine de cette fresque. On gardera d’ailleurs ce dessin dans le nouvel artwork, avec quelques modifications… Le logo plagiant Disney va disparaître au final, par exemple. Sinon, on court droit au procès !

!!!... La fin se fait sentir. Petite question auparavant. A ce que j'ai vu sur votre site, qui aura l'honneur d'une reprise ? Il semblerait que vous iriez à vous frotter au rap ;) ..

E.W. : On a repris « Ma Benz » de NTM en live, et ça a été vraiment éclatant de rapper… Le public était complètement dedans. Ca ne me dérange pas idéologiquement de faire ce type de reprise inattendue, bien au contraire. On fera bien pire à l’avenir, j’en suis sûr ! Francis Lalanne, peut-être…

Haha.. Et on se plaindra qu’il n’y a personne aux concerts ! ;) ! Eh bien, en te remerciant de ce long moment passé à répondre et surtout à attendre, s'il te reste un peu de courage...

 

"Le mot de la fin sera "hiératique". Je trouve que c'est un très joli mot, et qu'il est très digne dans sa syntaxe-même. Pour le reste, j'invite bien sûr tous ceux qui nous connaissent ou ne ne nous connaissent pas encore à venir nous rendre visite sur www.wormfood.com02.com (le site vient d'être refait), et à venir nous rencontrer lors de nos futurs concerts. Et longue vie à la Part d'Ombre !"

 

>>> Le site :  http://m4nu.free.fr/wormfood/

>>> Lire la chronique de "Jeux d'enfants"