Né des suites du
split de SPACE PATROL, HORRORS OF THE BLACK MUSEUM marque également le
passage du stoner au doom en votre évolution musicale. Tout en nous dressant
un petit récapitulatif historique pourriez vous nous raconter comment s'est
faîte cette transition et avec quels idées/désirs...
Space Patrol a toujours été une entité en évolution permanente. Chaque
membre puisait dans ses influences pour faire avancer le groupe, d'où les
sauts quantiques entre chaque disque. Nous avions formé le collectif en 1998
dans une optique résolument punk, avec pour références des choses comme les
Misfits, The Saints et autres Dead Boys. Petit à petit, nous nous sommes
ouverts à d'autres styles par le truchement de groupes que nous avions
toujours aimés comme
Pentagram ou
Monster Magnet et l'arrivée d'un deuxième guitariste a confirmé notre virage
musical, résolument heavy-metal, bien que nous ayons été rapidement
étiquetés 'stoner'. Il faut dire qu'à l'époque, le stoner faisait vendre
n'importe quelle soupe...
JC et moi souhaitions mettre en avant ce côté lourd et lent qu'on
affectionne depuis toujours, d'où l'idée de créer Horrors Of The Black
Museum après le split de Space Patrol en 2002. Suite à quelques tentatives
avortées en compagnie d'autres musiciens, on s'est aperçu qu'on fonctionnait
mieux à deux. JC s'est mis à la batterie et aux claviers puis il a agencé
son propre studio tout en écrivant quelques morceaux en vue de cette démo.
HORRORS OF
THE BLACK MUSEUM est un nom de groupe assez surprenant et qui ne semble par
ailleurs pas
anodin.
Que représente ce patronyme en l'identité du groupe ?
Rendons à César ce qui lui appartient : le nom du groupe provient du film
éponyme d'Arthur Crabtree (Crimes au musée des horreurs en VF). Au-delà de
la parenté cinématographique, le sens de ce patronyme nous semblait
particulièrement adapté à ce que l'on souhaitait mettre en oeuvre : non pas
une énième formation musicale, mais une vraie entité à la croisée des
chemins. C'est d'autant plus évident avec les nouveaux titres qui
fonctionnent comme de vrais récits complets, inspirés comme sur la démo par
des choses piochées dans notre vivier de références : films obscurs,
écrivains maudits...
Dans ce sens, nos morceaux ne suivent plus le traditionnel
couplet/pont/refrain/couplet mais plutôt le fil d'une narration. Ce n'est
pas encore du King Diamond mais ça raconte une histoire ! J'espère
d'ailleurs enfin pouvoir caser les textes dans le livret de notre prochaine
sortie.
Bien.
Venons à l'identité musicale du groupe. Incontestablement doom votre style
reste néanmoins particulier de par l'absence de guitares et ces multiples
couches de basse qui donnent
un côté très
sombre et bourdonnant à votre style. Comment s'est amené cette manière de
composer ? Le drone doom s'en rapprocherait bien, cependant HOTBM n'est pas
aussi sombre.. Quelles influences dés lors avanceriez vous également ?
JC ne
souhaitait plus travailler avec des guitares, en tout cas pas pour ce
projet. Le son de basse qu'il a développé au fil du temps se prête
particulièrement à notre style, un mélange particulier d'influences parfois
diamétralement opposées. A travers la superposition de sons de basse et de
claviers, on essaye de créer quelque chose qui serait à la fois très lourd
et très mélodique... En termes d'influences, nous n'écoutons pas de drone et
personnellement j'ai beaucoup de mal avec le sludge post- Eyehategod et Iron
Monkey. Il me semble que tout a été dit dans ce domaine avec ces deux
groupes...
Sinon, nous sommes très influencés par les groupes italiens en général : de
Ripper à Death SS en passant par les multiples avatars discographiques de
Paul Chain, Jacula / Antonius Rex et tous ces compositeurs de musiques de
film que nous aimons particulièrement : Fabio Frizzi, Morricone, Goblin,
Bruno Nicolai, etc. Sans oublier bien sûr les maîtres à penser du doom :
Pentagram / Bedemon, Saint Vitus, Black Sabbath, Trouble, Candlemass etc.
Oui...
Les lignes de chants sont également assez variées. Des passages lugubres à
d'autres plus fluides, ainsi que quelques choeurs... Quelle est votre
manière de composer ? Jusqu'à présent vous évoluiez sous la forme d'un duo,
à présent avec un batteur en plus, quels changements s'opèrent à ce niveau ?
Petite précision : HotBM est
toujours un duo puisque le batteur dont tu parles n'est autre que JC. Cela
dit, le fait de bosser avec une batterie naturelle change considérablement
la donne et fige moins les compos qu'une boîte
à rythmes.
Au sujet du chant, nous discutons d'abord de la teneur
des morceaux et l'orientation globale de la musique en cours d'écriture.
Ensuite, JC ou moi trouvons l'idée de départ ou le matériau à adapter. JC
compose le morceau et j'écris en parallèle, puis nous peaufinons le tout
ensemble avant d'enregistrer une première maquette. J'essaye de varier au
maximum les lignes de voix en fonction de mes limitations naturelles et de
l'ambiance que l'on souhaite établir. Certains passages, notamment sur nos
dernières compos, dictent ensuite la couleur de l'ensemble. Sur "Gold from
the Sea", notre relecture du Dagon de Lovecraft, il y a par exemple un long
passage truffé de samples décrivant le naufrage d'un navire... Il n'y a pas
d'images et c'est pourtant très visuel.
A l'écoute
de votre seconde démo l'on peut retrouver encore quelques réminiscences
stoner, notamment au travers du titre "Meia noite". Est ce une démarche
volontaire que de garder non loin cette variante en le doom de HOTBM ?
"Meia Noite" est l'un des premiers morceaux composés juste après le split de
Space Patrol, d'où peut-être ces réminiscences stoner. Il y aura toujours un
côté "groovy" dans notre musique, surtout avec les derniers morceaux où les
changements de tempo sont parfois plus prononcés. Je t'avoue qu'on ne se
prend pas la tête sur ce qui cadre ou non avec le groupe. Si le riff nous
plaît, on le garde sans se poser de questions. C'est assez difficile de se
sentir prisonnier d'un style. Et puis, doom ou stoner, ces querelles de
chapelles nous laissent de marbre. Tant que ça reste de la musique
inspirée...
Voilà qui
est dit. Parles moi à présent de vos textes. Si je me limite au nom du
groupe et au visuel de la pochette je pourrais facilement deviner, mais les
apparences étant parfois trompeuses..
Comme je te le disais, les textes revêtent une importance particulière dans
nos morceaux qui fonctionnent la plupart du temps comme de véritables
adaptations, des récits complets. "The Quiet Earth" s'inspire d'une
excellente série B et suit le parcours du seul survivant sur terre après une
mystérieuse épidémie ayant provoqué la disparition de tous les êtres
vivants. "Meia Noite" nous a été inspiré par le cinéaste brésilien José
Mojica Marins, alias Zé Do Caixao (Coffin Joe en version US). Le morceau
reprend la thématique de son premier
film "A meai noite levarei sua alma", son positionnement au-dessus des lois
humaines alors que le Brésil est en pleine dictature, sa mégalomanie et sa
grandiloquence grand-guignol. "Deadbeat at Dawn" était plus problématique :
JC souhaitait adapter le film de Jim Van Bebber mais j'ai préféré prendre
mes distances et pondre une saynète imaginant les derniers instants d'un
suicidé qui 'voit' des trucs très étranges au moment du trépas.
Au delà de
films où puisez vous l'inspiration à ce niveau ? Etes vous fans de
littératures ? Adeptes de films particulièrement inspirés des années 50' ? A
quel film ou livre prêteriez vous volontiers l'ambiance musicale de HOTBM
d'ailleurs ?
J'imagine que tu devines la réponse. JC et moi sommes tous deux
d'inlassables collectionneurs
et nous vivons entourés de nos sources d'inspiration. Le fonds permanent des
collections du musée noir nous offre un large choix de matériaux à
développer... Les prochains titres s'inspirent de choses aussi variées que
les films d'Andrew Parkinson (I, Zombie et Dead Creatures), Lovecraft, Fulci,
les rites vaudou, les sociétés secrètes théosophiques et occultes du 19e
siècle (Madame Blavatsky) etc. etc.
Si HotBM devait servir de bande-son, ce serait sans doute à "L'au-delà" de
Lucio Fulci, un des plus beaux films de tous les temps.
Bien.
toujours en duo donc, j'ai cru voir quelque part qu'il faudrait 5 musiciens
pour porter à terme la structure du groupe. Continuez vous à chercher pour
éventuellement approcher la scène ? N'est ce pas quelque chose que vous
aimeriez réaliser ?
On reste à deux pour l'instant, après une tentative infructueuse à 6 membres
en 2004. La formule actuelle nous convient bien car on est sûr d'être
toujours sur la même longueur d'onde. Pour la scène, on verra le jour où ça
nous démangera. Il y a bien sûr quelques personnes dans notre entourage avec
lesquelles nous aimerions travailler un de ces quatre, mais pas forcément
pour HotBM.
Votre
seconde démo étant sortie voici quelques temps je suppose que le travail de
composition a bien repris ses droits. Où en êtes vous actuellement ?
Chercherez vous l'album, une nouvelle démo ? Quelle évolution musicale
pourra t'on aussi noter ?
Au sujet de cette fameuse première démo sortie en 2002, je tiens à préciser
qu'il s'agit d'enregistrements restés ultraconfidentiels. La démo 2006 est
notre premier essai véritable. Nous avons composé depuis 4 nouveaux
morceaux, tous assez longs, pour une durée d'une quarantaine de minutes : "Dead
Men Shed No tears", "Gold from the Sea", "The Voodoo That You do" ainsi
qu'une relecture très personnelle d'un morceau de The Obsessed, "Hiding Mask".
On cherche toujours un label pour l'instant et on souhaiterait donc sortir
ces nouveaux enregistrements sous la forme d'un EP. Pas d'album complet en
vue...
En matière d'évolution musicale, il y a un peu plus de synthés sur ces
nouveaux morceaux, toujours dans l'esprit Goblin / Carpenter. Les lignes de
voix me semblent aussi plus travaillées et moins fouillis que sur la démo
mais toujours aussi mélodiques. Pas l'ombre d'un cri à l'horizon, ahah. Le
son est bien meilleur et le tout me semble aussi beaucoup plus fluide. Je
pense qu'on commence tout doucement à trouver notre véritable style !
Votre style
restant des plus particuliers, comment réagit l'auditeur à sa croisée ?
Ca dépend beaucoup
de la sensibilité et l'ouverture d'esprit de la personne en question.
Certains fans de doom old-school n'apprécient pas le côté "électronique" de
notre musique, qu'ils trouvent déplacé dans ce contexte. D'autres, peut-être
plus ouverts d'esprit, apprécient au contraire ce mélange des genres. Au
sujet du chant, certains détestent le côté plaintif de mes lignes de voix et
préféreraient entendre des borborygmes à la place. Généralement, ce qui
ressort des commentaires au sujet de la démo, c'est l'aspect inclassable de
la chose et le fait que tout le monde attend la suite de pied ferme ! Ca
tombe bien, nous aussi...
Dans la
continuité je trouve votre présence des plus discrètes sur le net. Etes vous
attentifs à la promotion qu'il faut apporter à un groupe ? De nouveaux
outils tel myspace, youtube, offrent une appréciable accélération à ce
niveau pour les groupes. Est ce des supports de comm. qui vous intéressent ?
Pour l'instant, on préfère y aller doucement et ne pas griller nos
cartouches. A vrai dire, même si je suis très souvent connecté pour me tenir
au courant, j'ai un gros problème avec myspace. Outre l'horripilante
interface et le manque de lisibilité, au risque de passer pour un vieil
élitiste aigri, je n'aime pas l'idée d'avoir tout au même niveau : le groupe
établi et le teenager dans sa chambre qui bidouille du drone-doom sur son
PC. Attention, le teenager en question peut très bien pondre un truc génial
dans son coin et le groupe établi sortir une bouse infâme, mais je trouve ça
décourageant d'avoir
un milliard de groupes et de projets qui existent sur le même plan. Et je ne
te parle même pas de l'aspect "réseau d'amis" qui me donne des poussées de
misanthropie.
En ce qui concerne notre site
www.horrorsoftheblackmuseum.com , le webmaster a du mal à assurer le
suivi en ce moment mais tout rentrera dans l'ordre quand on sortira la
suite. Il y aura de nouveaux sons à écouter, des choses à lire etc. C'est
promis !
A suivre à
ce niveau...
La présence du
doom sans être inexistante reste assez discrète en France. Quels groupes
viendriez vous ici appuyer ? Et comment jugez vous la qualité de ces
derniers ?
Northwinds est notre premier choix, assurément. Un groupe fantastique, prog
comme on les aime, avec d'excellents musiciens et un côté désuet qui nous
parle ! On aime aussi beaucoup Rising Dust. Ces deux formations oeuvrent
dans un registre mélodique proche du nôtre. Je ne connais pas les nouveaux
groupes mais je pense très sincèrement que la scène française n'aura bientôt
rien à envier à ses consoeurs
plus illustres. Ca me touche beaucoup tout ça car il y a bien longtemps,
j'ai édité un fanzine métal consacré à la scène française et je suis assez
sidéré des progrès
effectués par les musiciens français depuis une quinzaine d'années !
A côté
évoluez vous au sein d'autres projets ?
Nous avons plusieurs projets parallèles dans des registres différents dont
un groupe de heavy-metal avec les ex-Space Patrol, chanté en français dans
la lignée de Blasphème, Sortilège, Satan Jokers, High Power et musicalement
proche de la NWoBHM. JC bosse aussi sur un projet de concept album beaucoup
plus électronique et encore en chantier.
Doucement
et au même rythme que votre doom la fin approche, si le tour te semble fait,
pour conclure je te demanderai ce que représente pour vous ce courant
musical ? En vous remerciant, bonne continuation...
Le doom m'apporte énormément, c'est un mélange assez étrange de catharsis et
d'élation. Ce genre me permet de canaliser mes pulsions les plus noires et
d'en faire quelque chose de créatif. J'aime le côté underground et secret du
doom, l'énergie, la mélodie et la mélancolie propre au genre... C'est
difficile à expliquer en tout cas mais ça me va droit aux tripes. Je me
souviens de ma première écoute du "Solitude" de Candlemass. Quelle claque !
J'en ai encore la chair de poule aujourd'hui...
Merci beaucoup pour cette interview, Kévin, j'espère ne pas avoir été trop
bavard. J'en profite également pour remercier toutes les âmes éclairées qui
nous ont contactés : merci à tous !
>>> Le site :
http://www.horrorsoftheblackmuseum.com
>>> Lire la
chronique de "Demo
2006"
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