Ceux qui ont cru tout entendre du doom risquent d'être surpris avec le duo HORRORS OF THE BLACK MUSEUM qui par sa première démo place le style dans une tonalité encore plus basse ! Le choix d'abstraire toutes guitares y serait certainement pour quelque chose, mais c'est le jeu que tiennent la basse, multipliée en couches bourdonnantes ,et la batterie en cadence agonisante qui placent cette formation dans un toxico-trip unique ! Funeste est ainsi l'ambiance que créent si bien ces derniers, où le chant plaintif ne sera pas là pour rehausser l'humeur car la pente prise par ce duo est assurément lente et perpétuellement descendante ! Ainsi le drogué au doom a de bonnes chances de trouver là un nouveau trip des plus engourdissants. Une substance noirâtre et épaisse qui ne passerait même pas dans la plus large des aiguilles. Remerciez donc ces derniers de vous éviter un trip sans retour...
INTERVIEW REALISEE EN FEVRIER 2007

 

 

 

 

Né des suites du split de SPACE PATROL, HORRORS OF THE BLACK MUSEUM marque également le passage du stoner au doom en votre évolution musicale. Tout en nous dressant un petit récapitulatif historique pourriez vous nous raconter comment s'est faîte cette transition et avec quels idées/désirs...

Space Patrol a toujours été une entité en évolution permanente. Chaque membre puisait dans ses influences pour faire avancer le groupe, d'où les sauts quantiques entre chaque disque. Nous avions formé le collectif en 1998 dans une optique résolument punk, avec pour références des choses comme les Misfits, The Saints et autres Dead Boys. Petit à petit, nous nous sommes ouverts à d'autres styles par le truchement de groupes que nous avions toujours aimés comme
Pentagram ou Monster Magnet et l'arrivée d'un deuxième guitariste a confirmé notre virage musical, résolument heavy-metal, bien que nous ayons été rapidement étiquetés 'stoner'. Il faut dire qu'à l'époque, le stoner faisait vendre n'importe quelle soupe...
JC et moi souhaitions mettre en avant ce côté lourd et lent qu'on affectionne depuis toujours, d'où l'idée de créer Horrors Of The Black Museum après le split de Space Patrol en 2002. Suite à quelques tentatives avortées en compagnie d'autres musiciens, on s'est aperçu qu'on f
onctionnait mieux à deux. JC s'est mis à la batterie et aux claviers puis il a agencé son propre studio tout en écrivant quelques morceaux en vue de cette démo.

HORRORS OF THE BLACK MUSEUM est un nom de groupe assez surprenant et qui ne semble par ailleurs pas anodin. Que représente ce patronyme en l'identité du groupe ?

Rendons à César ce qui lui appartient : le nom du groupe provient du film éponyme d'Arthur Crabtree (Crimes au musée des horreurs en VF). Au-delà de la parenté cinématographique, le sens de ce patronyme nous semblait particulièrement adapté à ce que l'on souhaitait mettre en oeuvre : non pas une énième formation musicale, mais une vraie entité à la croisée des chemins. C'est d'autant plus évident avec les nouveaux titres qui fonctionnent comme de vrais récits complets, inspirés comme sur la démo par des choses piochées dans notre vivier de références : films obscurs, écrivains mau
dits... Dans ce sens, nos morceaux ne suivent plus le traditionnel couplet/pont/refrain/couplet mais plutôt le fil d'une narration. Ce n'est pas encore du King Diamond mais ça raconte une histoire ! J'espère d'ailleurs enfin pouvoir caser les textes dans le livret de notre prochaine sortie.

Bien. Venons à l'identité musicale du groupe. Incontestablement doom votre style reste néanmoins particulier de par l'absence de guitares et ces multiples couches de basse qui donnent un côté très sombre et bourdonnant à votre style. Comment s'est amené cette manière de composer ? Le drone doom s'en rapprocherait bien, cependant HOTBM n'est pas aussi sombre.. Quelles influences dés lors avanceriez vous également ?

JC ne souhaitait plus travailler avec des guitares, en tout cas pas pour ce projet. Le son de basse qu'il a développé au fil du temps se prête particulièrement à notre style, un mélange particulier d'influences parfois diamétralement opposées. A travers la superposition de sons de basse et de claviers, on essaye de créer quelque chose qui serait à la fois très lourd et très mélodique... En termes d'influences, nous n'écoutons pas de drone et personnellement j'ai beaucoup de mal avec le sludge post- Eyehategod et Iron Monkey. Il me semble que tout a été dit dans ce domaine avec ces deux groupes...
Sinon, nous sommes très influencés par les groupes italiens en général : de Ripper à Death SS en passant par les multiples avatars discographiques de Paul Chain, Jacula / Antonius Rex et tous ces compositeurs de musiques de film que nous aimons particulièrement : Fabio Frizzi, Morricone, Goblin, Bruno Nicolai, etc. Sans oublier bien sûr les maîtres à penser du doom : Pentagram / Bedemon, Saint Vitus, Black Sabbath, Trouble, Candlemass etc.

Oui...  Les lignes de chants sont également assez variées. Des passages lugubres à d'autres plus fluides, ainsi que quelques choeurs... Quelle est votre manière de composer ? Jusqu'à présent vous évoluiez sous la forme d'un duo, à présent avec un batteur en plus, quels changements s'opèrent à ce niveau ?

Petite précision : HotBM e
st toujours un duo puisque le batteur dont tu parles n'est autre que JC. Cela dit, le fait de bosser avec une batterie naturelle change considérablement la donne et fige moins les compos qu'une boîte à rythmes.
Au sujet du chant, nous discutons d'abord de la t
eneur des morceaux et l'orientation globale de la musique en cours d'écriture. Ensuite, JC ou moi trouvons l'idée de départ ou le matériau à adapter. JC compose le morceau et j'écris en parallèle, puis nous peaufinons le tout ensemble avant d'enregistrer une première maquette. J'essaye de varier au maximum les lignes de voix en fonction de mes limitations naturelles et de l'ambiance que l'on souhaite établir. Certains passages, notamment sur nos dernières compos, dictent ensuite la couleur de l'ensemble. Sur "Gold from the Sea", notre relecture du Dagon de Lovecraft, il y a par exemple un long passage truffé de samples décrivant le naufrage d'un navire... Il n'y a pas d'images et c'est pourtant très visuel.

A l'écoute de votre seconde démo l'on peut retrouver encore quelques réminiscences stoner, notamment au travers du titre "Meia noite". Est ce une démarche volontaire que de garder non loin cette variante en le doom de HOTBM ?

"Meia Noite" est l'un des premiers morceaux composés juste après le split de Space Patrol, d'où peut-être ces réminiscences stoner. Il y aura toujours un côté "groovy" dans notre musique, surtout avec les derniers morceaux où les changements de tempo sont parfois plus prononcés. Je t'avoue qu'on ne se prend pas la tête sur ce qui cadre ou non avec le groupe. Si le riff nous plaît, on le garde sans se poser de questions. C'est assez difficile de se sentir prisonnier d'un style. Et puis, doom ou stoner, ces querelles de chapelles nous laissent de marbre. Tant que ça reste de la musique inspirée...

Voilà qui est dit. Parles moi à présent de vos textes. Si je me limite au nom du groupe et au visuel de la pochette je pourrais facilement deviner, mais les apparences étant parfois trompeuses..

Comme je te le disais, les textes revêtent une importance particulière dans nos morceaux qui fonctionnent la plupart du temps comme de véritables adaptations, des récits complets. "The Quiet Earth" s'inspire d'une excellente série B et suit le parcours du seul survivant sur terre après une mystérieuse épidémie ayant provoqué la disparition de tous les êtres vivants. "Meia Noite" nous a été inspiré par le cinéaste brésilien José Mojica Marins, alias Zé Do Caixao (Coffin Joe en version US). Le morceau reprend la thématique de son p
remier film "A meai noite levarei sua alma", son positionnement au-dessus des lois humaines alors que le Brésil est en pleine dictature, sa mégalomanie et sa grandiloquence grand-guignol. "Deadbeat at Dawn" était plus problématique : JC souhaitait adapter le film de Jim Van Bebber mais j'ai préféré prendre mes distances et pondre une saynète imaginant les derniers instants d'un suicidé qui 'voit' des trucs très étranges au moment du trépas.

Au delà de films où puisez vous l'inspiration à ce niveau ? Etes vous fans de littératures ? Adeptes de films particulièrement inspirés des années 50' ? A quel film ou livre prêteriez vous volontiers l'ambiance musicale de HOTBM d'ailleurs ?

J'imagine que tu devines la réponse. JC et moi sommes tous deux d'inlassables collecti
onneurs et nous vivons entourés de nos sources d'inspiration. Le fonds permanent des collections du musée noir nous offre un large choix de matériaux à développer... Les prochains titres s'inspirent de choses aussi variées que les films d'Andrew Parkinson (I, Zombie et Dead Creatures), Lovecraft, Fulci, les rites vaudou, les sociétés secrètes théosophiques et occultes du 19e siècle (Madame Blavatsky) etc. etc.
Si HotBM devait servir de bande-son, ce serait sans doute à "L'au-delà" de Lucio Fulci, un des plus beaux films de tous les temps.


Bien. toujours en duo donc, j'ai cru voir quelque part qu'il faudrait 5 musiciens pour porter à terme la structure du groupe. Continuez vous à chercher pour éventuellement approcher la scène ? N'est ce pas quelque chose que vous aimeriez réaliser ?

On reste à deux pour l'instant, après une tentative infructueuse à 6 membres en 2004. La formule actuelle nous convient bien car on est sûr d'être toujours sur la même longueur d'onde. Pour la scène, on verra le jour où ça nous démangera. Il y a bien sûr quelques personnes dans notre entourage avec lesquelles nous aimerions travailler un de ces quatre, mais pas forcément pour HotBM.

Votre seconde démo étant sortie voici quelques temps je suppose que le travail de composition a bien repris ses droits. Où en êtes vous actuellement ? Chercherez vous l'album, une nouvelle démo ? Quelle évolution musicale pourra t'on aussi noter ?

Au sujet de cette fameuse première démo sortie en 2002, je tiens à préciser qu'il s'agit d'enregistrements restés ultraconfidentiels. La démo 2006 est notre premier essai véritable. Nous avons composé depuis 4 nouveaux morceaux, tous assez longs, pour une durée d'une quarantaine de minutes : "Dead Men Shed No tears", "Gold from the Sea", "The Voodoo That You do" ainsi qu'une relecture très personnelle d'un morceau de The Obsessed, "Hiding Mask". On cherche toujours un label pour l'instant et on souhaiterait donc sortir ces nouveaux enregistrements sous la forme d'un EP. Pas d'album complet en vue...
En matière d'évolution musicale, il y a un peu plus de synthés sur ces nouveaux morceaux, toujours dans l'esprit Goblin / Carpenter. Les lignes de voix me semblent aussi plus travaillées et moins fouillis que sur la démo mais toujours aussi mélodiques. Pas l'ombre d'un cri à l'horizon, ahah. Le son est bien meilleur et le tout me semble aussi beaucoup plus fluide. Je pense qu'on commence tout doucement à trouver notre véritable style !

 

Votre style restant des plus particuliers, comment réagit l'auditeur à sa croisée ?

 

Ca dépend beaucoup de la sensibilité et l'ouverture d'esprit de la personne en question. Certains fans de doom old-school n'apprécient pas le côté "électronique" de notre musique, qu'ils trouvent déplacé dans ce contexte. D'autres, peut-être plus ouverts d'esprit, apprécient au contraire ce mélange des genres. Au sujet du chant, certains détestent le côté plaintif de mes lignes de voix et préféreraient entendre des borborygmes à la place. Généralement, ce qui ressort des commentaires au sujet de la démo, c'est l'aspect inclassable de la chose et le fait que tout le monde attend la suite de pied ferme ! Ca tombe bien, nous aussi...

Dans la continuité je trouve votre présence des plus discrètes sur le net. Etes vous attentifs à la promotion qu'il faut apporter à un groupe ? De nouveaux outils tel myspace, youtube, offrent une appréciable accélération à ce niveau pour les groupes. Est ce des supports de comm. qui vous intéressent ?

Pour l'instant, on préfère y aller doucement et ne pas griller nos cartouches. A vrai dire, même si je suis très souvent connecté pour me tenir au courant, j'ai un gros problème avec myspace. Outre l'horripilante interface et le manque de lisibilité, au risque de passer pour un vieil élitiste aigri, je n'aime pas l'idée d'avoir tout au même niveau : le groupe établi et le teenager dans sa chambre qui bidouille du drone-doom sur son PC. Attention, le teenager en question peut très bien pondre un truc génial dans son coin et le groupe établi sortir une bouse infâme, mais je trouve ça décourageant d'
avoir un milliard de groupes et de projets qui existent sur le même plan. Et je ne te parle même pas de l'aspect "réseau d'amis" qui me donne des poussées de misanthropie.
En ce qui concerne notre site www.horrorsoftheblackmuseum.com , le webmaster a du mal à assurer le suivi en ce moment mais tout rentrera dans l'ordre quand on sortira la suite. Il y aura de nouveaux sons à écouter, des choses à lire etc. C'est promis !

A suivre à ce niveau...

La présence du doom sans être inexistante reste assez discrète en France. Quels groupes viendriez vous ici appuyer ? Et comment jugez vous la qualité de ces derniers ?

Northwinds est notre premier choix, assurément. Un groupe fantastique, prog comme on les aime, avec d'excellents musiciens et un côté désuet qui nous parle ! On aime aussi beaucoup Rising Dust. Ces deux formations oeuvrent dans un registre mélodique proche du nôtre. Je ne connais pas les nouveaux groupes mais je pense très sincèrement que la scène française n'aura bientôt rien à envier à ses co
nsoeurs plus illustres. Ca me touche beaucoup tout ça car il y a bien longtemps, j'ai édité un fanzine métal consacré à la scène française et je suis assez sidéré des progrès effectués par les musiciens français depuis une quinzaine d'années !

A côté évoluez vous au sein d'autres projets ?

Nous avons plusieurs projets parallèles dans des registres différents dont un groupe de heavy-metal avec les ex-Space Patrol, chanté en français dans la lignée de Blasphème, Sortilège, Satan Jokers, High Power et musicalement proche de la NWoBHM. JC bosse aussi sur un projet de concept album beaucoup plus électronique et encore en chantier.

 Doucement et au même rythme que votre doom la fin approche, si le tour te semble fait, pour conclure je te demanderai ce que représente pour vous ce courant musical ? En vous remerciant, bonne continuation...

Le doom m'apporte énormément, c'est un mélange assez étrange de catharsis et d'élation. Ce genre me permet de canaliser mes pulsions les plus noires et d'en faire quelque chose de créatif. J'aime le côté underground et secret du doom, l'énergie, la mélodie et la mélancolie propre au genre... C'est difficile à expliquer en tout cas mais ça me va droit aux tripes. Je me souviens de ma première écoute du "Solitude" de Candlemass. Quelle claque ! J'en ai encore la chair de poule aujourd'hui...
Merci beaucoup pour cette interview, Kévin, j'espère ne pas avoir été trop bavard. J'en profite également pour remercier toutes les âmes éclairées qui nous ont contactés : merci à tous !
 

>>> Le site : http://www.horrorsoftheblackmuseum.com

>>> Lire la chronique de "Demo 2006"